Comment sortir par le haut des désaccords qui nous opposent ?
Une masterclass exceptionnelle avec Tristan Garcia autour de son dernier livre, « Laisser être et rendre puissant », salué par la presse comme un chef-d’œuvre.
Nous sommes séparés et opposés en tout. Aujourd’hui, nos luttes n’aboutissent plus qu’à des conceptions irréconciliables jusqu’à propos de l’être même des choses. Mais, dans Laisser être et rendre puissant, Tristan Garcia refuse de se résoudre à l’affrontement et propose d’accorder une existence commune, minimale et égale à toutes les entités possibles, afin de mieux reconstituer leurs différences et leurs puissances. Il répond à la destitution de l’universel, critiqué de toutes parts, par la recherche d’un « commun distinct », un être commun à toutes choses, un minimum de détermination qui ne serait pas l’expression d’un pouvoir, sans sombrer pour autant dans l’inconsistance. Par cette conception non hégémonique, la pensée critique, le matérialisme ou le réalisme sont reconsidérés. La libéralité et l’autorité de chaque position de pensée sont élucidées jusqu’à faire éclater la contradiction de toute ontologie trop libérale : laisser être aussi bien ce qui empêche d’être. L’enquête débouche sur la formulation d’une nouvelle métaphysique « résistante », attachée à la distinction, l’égalité et la formation permanente de tous les êtres. Laisser être et rendre puissant permet alors une conception renouvelée du temps, du vivant, de la coexistence politique et de nos manières d’être.
Extrait de Laisser être et rendre puissant :
« Ce qui divise aujourd’hui le camp de l’émancipation, c’est une tension ancienne autour du sens d’“émancipation”. D’un côté, s’émanciper, c’est être reconnu, être rendu visible sur la scène sociale – ce sont les politiques dites de “reconnaissance”, portées par des personnes longtemps tenues à la marge. Mais de l’autre, s’émanciper, c’est échapper à l’identification, devenir invisible, entrer dans l’anonymat, déjouer les dispositifs de pouvoir – pensez aux hackers, aux cortèges de tête, au Comité invisible. Il y a dans l’Histoire des moments de malentendus positifs où ces deux sens de l’émancipation se regroupent. Mais, ensuite, le fossé se creuse à nouveau : se visibiliser ou s’invisibiliser ? Devenir quelqu’un ou pouvoir être n’importe qui ? L’idéal serait d’articuler cette opposition en disant que l’émancipation c’est devenir quelqu’un pour pouvoir cesser de l’être. Il faudrait donc aider toutes les luttes de reconnaissance en tant qu’elles sont des moyens, et non des fins. »
