EN – For the Happiness of the Dead – Can we inhabit this world to the exclusion of the dead – especially since they both haunt us and dwell within us, often with benevolence?
Peut-on habiter le monde en excluant les morts, qui sont nos morts ?
‘Faire son deuil’, tel est l’impératif qui s’impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d’un proche. Vinciane Despret a recueilli les témoignages de celles et ceux qui ont dit non au travail de deuil en inventant mille manières de vivre au quotidien avec leurs morts. Depuis un certain temps, les morts s’étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd’hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts deviennent plus actifs. Ils réclament, proposent leur aide, soutiennent ou consolent… Ils le font avec tendresse, souvent avec humour. On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !
‘ Peut-on habiter le monde en excluant les morts ? Quelle place leur laisser ? Comment vivre avec eux mais rester parmi les vivants ? Au lieu d’oubli, de hantise ou de seule mémoire, il s’agit de relais et de reprise, de continuer dans notre vie ce qu’ils ont commencé et n’ont pu achever. N’est-ce pas ce que font les musiciens, les interprètes comme les compositeurs ? Eux aussi tissent l’œuvre des morts dans celle des vivants, les invitant consciemment ou laissant agir leur puissance qui incite, provoque, re-suscite, prenant à l’occasion corps et présence dans les cloches, le cyprès ou l’âme-oiseau ’.
Un dialogue entre la philosophe Vinciane Despret autour de son livre Au bonheur des morts et la pianiste Thérèse Malengreau.
> PROGRAMMATION MUSICALE :
F. Liszt, Am Grabe Richard Wagners
F. Liszt, Aux cyprès de la villa d’Este, Thrénodie (Années de pèlerinage, Italie)
R. Schumann, Vogel als Prophet (Waldszenen)
L. Janacek, Sonate 1er octobre 1905, II. La mort
P. Dukas, La plainte au loin du faune (Tombeau de Claude Debussy)
C. Debussy, Cloches à travers les feuilles (Images)
> EXTRAIT DE AU BONHEUR DES MORTS,
VINCIANE DESPRET,
LA DÉCOUVERTE/POCHE
… Mais la question du lieu est également une question pratique qui se pose toujours, sous une forme ou une autre, à ceux qui restent. (…) : où est-il ? Il faut situer le mort, c’est-à-dire lui « faire » une place. Le « ici » est vidé, il faut construire le « là ». Ceux qui apprennent à entretenir les rapports avec leurs morts assument donc bien un travail, qui n’a rien à voir avec le travail de deuil. Il faut trouver une place, de multiples manières, et dans la très grande diversité de significations que peut prendre le mot « place ». Avant d’être instaurés et pour pouvoir l’être, les morts doivent être installés. (…) On a cessé au cours de notre histoire – et l’invention du Purgatoire n’est qu’un épisode – de chercher un endroit où les loger, où les abriter, d’où peut continuer la conversation.
Un livre de témoignages recueillis auprès de celles et ceux qui ont dit non au travail de deuil en inventant mille manières de vivre, au quotidien, avec leurs morts. Ce livre a reçu le Prix des Rencontres philosophiques de Monaco 2016.